A. Gedanken

[1012] La vie de Grimm était un phénomène dans le monde littéraire des Allemands au dixhuitième siècle, et après quelques générations nos successeurs n'en croiront rien et se moqueront des prétendus témoins oculaires qui ont parlé de ce miracle. On ne croira pas que Grimm, né allemand et de parents roturiers, pauvres et obscurs ait su faire la fortune à Paris, et se faire remarquer et estimer parmi la foule des gens d'esprit d'alors. Ce qui empèche les littèrateurs allemands de se faire valoir et de faire leur chemin, ce ne sont pas leurs défauts, mais leurs vertus qu'ils ne savent pas maîtriser et conduire au but désiré. Il est vrai que Monsieur Grimm n' avoit pas à dompter ses vertus germaniques. Il possédait un coeur[1012] de cuir impénétrable et un esprit de cire qui se prêtait à toute impression, dont au besoin il effaça l'empreinte pour faire place à une autre. La nationalité germanique a toujours été et est encore jusqu'à ce jour comme une forteresse assiégée, affamée et sans espoir de secours. Pour se sauver il est bien loisible de capituler et de se rendre; mais pourque cela soit avec honneur, il faut sortir avec arme et bagage et ne jamais prendre des services chez l'étranger pour diriger ses armes contre sa patrie.

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Ludwig Börne: Sämtliche Schriften. Band 2, Düsseldorf 1964, S. 1012-1013.
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