Scène III.

[144] Anna, Gaveston.


GAVESTON. Ah! ah! miss, vous n'êtes point encore retirée dans votre appartement?

ANNA. Vous le voyez, je causais avec Marguerite.

GAVESTON. Qui sans doute vous racontait, comme hier, des histoires de revenants et de la dame blanche! se peut-il, miss Anna, que vous ajoutiez foi à de pareilles rêveries?

ANNA. Moi!

GAVESTON. Oui; je vous ai vue hier si émue, si attentive au moment où elle nous a raconté l'histoire du fermier Dikson et de ses pièces d'or, qu'en honneur vous aviez l'air de croire à cette aventure miraculeuse.

ANNA, souriant. Miraculeuse? non! car je sais mieux que personne qu'elle est véritable.

GAVESTON. Allons donc![144]

ANNA, vivement. Vingt fois la comtesse d'Avenel m'a raconté ce dernier trait de bonté de la part de son mari, lorsque la nuit même de son départ, poursuivi, errant dans ces ruines, il entendit un pauvre fermier prêt à périr faute d'une somme d'argent; et c'est pour n'être pas reconnu qu'il lui jeta sa bourse au nom de la dame blanche d'Avenel. Ah! si tout sentiment de reconnaissance n'est pas éteint dans le cœur du fermier Dikson ... À part. celui-là doit me servir.

GAVESTON. Oh! rassurez-vous. Il n'est pas ingrat, c'est un des fidèles croyants de la dame blanche; c'est lui qui cabale avec les fermiers des environs, et qui fait courir le bruit dans le pays qu'il m'arrivera malheur d'oser mettre en vente un château qu'elle protège; mais c'est ce que nous verrons. Je viens de souper chez M. Marc-Irton, le juge de paix, et nous avons pris nos arrangements pour que la vente commençât demain au point du jour.

ANNA, à part. O ciel! Haut. Ainsi donc, vous, jadis l'intendant de ce château, vous allez en devenir le propriétaire; vous allez acheter à vil prix le domaine et le titre de votre bienfaiteur!

GAVESTON. Ecoutez, mis Anna, vous savez que je n'aime pas les phrases, et que je tiens au positif. Je ne suis que Gaveston l'intendant, c'est vrai; mais quand l'intendant Gaveston aura acheté et payé ce domaine, qui donne le titre de lord et l'entrée au Parlement, tous les gens du pays, si fiers et si dédaigneux, me salueront humblement comme comte d'Avenel, et oublieront bien vite leur ancien maître: la raison, c'est que je suis riche et qu'il ne l'est plus; chacun son tour: d'ailleurs, avant son départ, le comte d'Avenel avait vendu des biens immenses qu'il avait en Angleterre: qu'a-t-il fait de cet argent?

ANNA. Il l'a employé au service du prétendant, vous le savez bien.

GAVESTON. J'en doute: à moins que vous n'en ayez trouvé la preuve dans cet écrit que vous a confié la comtesse d'Avenel.

ANNA. A moi?[145]

GAVESTON. Oui; nierez-vous que dans ses derniers moments elle ne vous ait remis un papier mystérieux?

ANNA. C'est la vérité.

GAVESTON. Et qu'en avez-vous fait?

ANNA. Selon ses ordres, après sa mort, je l'ai lu, et comme elle m'avait fait jurer de ne confier ce secret à personne, pas même à la plus intime amitié, j'ai déchiré cette lettre à l'instant.

GAVESTON. Et moi, que les magistrats ont nommé votre tuteur, puis-je vous demander quel en était le contenu?

ANNA. Non, Monsieur.

GAVESTON. Et pourquoi?

ANNA. C'est que vous ne le sauriez pas.

GAVESTON. Fort bien, miss Anna; sous votre air doux et timide, vous cachez plus de fermeté et de résolution que je ne l'aurais soupçonné; mais dorénavant je prendrai mes précautions. On entend une cloche au dehors. Eh mais! quel est ce bruit?


Duo et Trio.


ANNA.

C'est la cloche de la tourelle

Qui tout à coup a retenti!


A part, pendant que Gaveston va regarder à la fenêtre.


A notre rendez-vous fidèle,

C'est celui que j'attends ici.

GAVESTON.

Il est minuit! dans ma demeure

Qui peut venir à pareille heure?

ANNA.

Quelque voyageur sans abri.

GAVESTON.

Eh bien! qu'il loge ailleurs qu'ici!

ANNA.

Pour lui je vous demande grâce![146]

Vous qui voulez prendre la place

Des anciens maîtres de ces lieux,

Imitez-les, faites comme eux;

Si chacun ici les révère,

C'est que leur porte hospitalière

S'ouvrait toujours aux malheureux.


Gaveston s'éloigne sans lui répondre.

Ensemble.


ANNA, à part.

Il hésite, il balance,

Et ne voudra jamais;

Il n'est plus d'espérance,

Adieu tous mes projets.

GAVESTON.

De cette complaisance,

Je me repentirais;

Il faut de la prudence

Pour servir mes projets.


Quelle:
Boieldieu, François-Adrien: La dame blanche, in: Eugène Scribe: Théatre de Eugène Scribe de l'Académie Française, V,1: Opéras-comiques, Paris 1856, S. 144-147.
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