Scène VII.

[151] Georges, Anna, sortant par le panneau à droite, qui tourne sur un pivot; elle est habillée en blanc, et la tête couverte d'un voile.


GEORGES. Non, cen'est point une illusion, c'est elle- même: je distingue dans l'ombre et sa démarche légère et ses vêtements blancs.

ANNA, à part. C'est lui! osera-t-il me suivre? ... Oui; si ce n'est par reconnaissance; ce sera du moins par frayeur pour la dame blanche.

GEORGES. Elle approche.[151]

ANNA. Dikson, Dikson, est-ce toi?

GEORGES. Non, ce n'est pas lui; mais je viens à sa place.

ANNA. O ciel! et qui donc êtes-vous?

GEORGES. Habile magicienne, comment ne sais-tu pas mon nom?

ANNA. O ciel! quelle est cette voix?

GEORGES. Faut-il te dire qu'on m'appelle Georges Brown?

ANNA. Georges dans ces lieux ... N'est-ce point un songe? Faisant un pas vers lui. Ah! si j'osais ... S'arrêtant. Non, je ne dois pas même pour lui ... oublier mon serment.

GEORGES, écoutant. Eh bien! elle se tait ... hein!

ANNA. Tu as bien fait de ne pas me tromper; car moi qui sais tout, crois-tu que je ne connaisse pas Georges Brown, sous-lieutenant au service d'Angleterre?

GEORGES. Je ne reviens pas de ma surprise!

ANNA. Dans le Hanovre, à la bataille d'Hastembek, où tu t'es distingué, tu fus blessé près de ton colonel.

GEORGES. O ciel!

ANNA. Une main inconnue te rappela à la vie, te prodigua des soins ...

GEORGES, s'avançant. C'en est trop, et quelque soit ce mystère ...

ANNA. Arrête, ou je disparais à tes yeux, et tu ne me reverras jamais.

GEORGES. J'obéis; mais prends pitié de mon trouble: cette divinité protectrice qui prit soin de mes jours, où est-elle? Depuis trois mois je la poursuis en vain; partout il me semble et la voir et[152] l'entendre; dans ce moment encore, je ne sais si c'est une illusion, mais je crois reconnaître sa voix.

ANNA. Peut-être l'ai-je prise pour te plaire.

GEORGES. Si tu es elle-même, c'est ce que j'ignore; mais qui que tu sois, donne-moi les moyens de la revoir.

ANNA. Cela dépend de toi.

GEORGES. Que faut-il faire? où faut-il te suivre?

ANNA. Me suivre ... À part. Oh! maintenant je n'ose plus, et je dois changer de projet. Haut. Demain tu recevras mes ordres, et quels qu'ils soient ...

GEORGES. Je jure de m'y sommettre? Fée, magicienne ou dame blanche; je te suis dévoué. Pour revoir celle que j'aime et pour la posséder, je crois, s'il le fallait, que je me donnerais à toi.

ANNA. Ce ne serait peut-être pas un mauvais moyen; mais ce n'est pas là ce que je te demande. Ecoute- moi.


Récitatif.


Ce domaine est celui des comtes d'Avenel;

Un avide intendant, au cœur dur et cruel,

Veut les en dépouiller, mais mon pouvoir propice

Protège l'orphelin et confond l'injustice.

Parle! veux-tu demain seconder mon espoir?

GEORGES.

Défendre le malheur est mon premier devoir!


Duo.


ANNA.

Toujours soumis à ma puissance,

Tu promets donc de me servir!

GEORGES.

Je te promets obéissance;

A quel danger faut-il courir?

ANNA.

De tes serments, de ton courage,

M'oserais-tu donner un gage?

GEORGES.

Parle![153]

ANNA.

Oserais-tu bien ici

Me donner ta main?

GEORGES, détournant la tète, mais avançant intrépidement.

La voici!


Ensemble.


GEORGES.

Mais que cette main est jolie!

Pour un lutin quelle douceur!

Est-ce l'amour ou la magie

Qui fait ainsi battre mon cœur?

ANNA.

De l'amour la douce magie

Pourrait aussi troubler mon cœur.

Fuyons, laissons-lui son erreur.


Anna va pour sortir; Georges, traversant le théâtre et se mettant devant elle.


GEORGES.

Arrête!

ANNA, tremblante.

O ciel! ma frayeur est extrême!

Que me veux-tu?

GEORGES.

Tantôt tu promis qu'à mes yeux

Apparaîtrait celle que j'aime.

Où la verrai-je?

ANNA.

Dans ces lieux.

GEORGES.

Comment!

ANNA.

Eh bien! c'est elle-même,

C'est elle qui viendra demain

T'apporter mon ordre suprême;

Aussi, quand elle apparaîtra,

Qu'on obéisse!

GEORGES.

A l'instant même.

Mais tu promets qu'elle viendra?

ANNA.

Oui, de ma part elle viendra.

GEORGES.

Je crois au serment qui t'engage,

Mais il m'en faut encore un gage.[154]

ANNA.

Parle!

GEORGES.

Oserais-tu bien ici

Me donner ta main?

ANNA, un peu tremblante.

Là voici!


Ensemble.


GEORGES.

Ah! que cette main est jolie!

Pour un lutin quelle douceur!

Est-ce l'amour ou la magie

Qui fait ainsi battre mon cœur?

ANNA.

Mais de l'amour, de sa magie,

Craignons le charme séducteur.

Fuyons ... laissons-lui son erreur.


Anna passe derrière lui, rentre par la porte à gauche, et l'on entend le même bruit de harpe qu'à son arrivée. A la fin duo, on trappe a la porté du fond et l'on tire les verroux.


Quelle:
Boieldieu, François-Adrien: La dame blanche, in: Eugène Scribe: Théatre de Eugène Scribe de l'Académie Française, V,1: Opéras-comiques, Paris 1856, S. 151-155.
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