Scène première.

[140] Marguerite, occupée à filer.

Couplets.


Premier Couplet.


Pauvre dame Marguerite,

Tes derniers jours sont venus,

Et ces fuseaux que j'agite

Bientôt ne tourneront plus.

Que je voie encor mes maîtres

Au château de leurs ancêtres:

Avant de mourir, voilà

Le seul bonheur que j'implore ...

Fuseaux légers, tournez encore,

Tournez encore jusque-là!


Deuxième Couplet.


Et toi, dont la souvenance

Reste en mon cœur maternel,

Toi, dont j'élevai l'enfance,

Pauvre Julien d'Avenel;

Dussé-je en mourir de joie,

Qu'un seul jour je te revoie:

Avant d'expirer, voilà

Tout le bonheur que j'implore ...

Fuseaux légers, tournez encore,

Tournez encore jusque-là!


Se levant.


Allons, allons! laissons-là mon ouvrage et mes souvenirs; Montraut la porte à gauche. car miss Anna va descendre de son appartement ... Pauvre et chère orpheline, élevée par mes anciens maîtres! en la voyant arriver hier avec ce Gaveston, qu'ils lui ont donné pour tuteur, il m'a semblé que mes vœux étaient exaucés, et que mon pauvre Julien allait aussi revenir, car, autrefois, ils étaient toujours ensemblé; qui voyait l'un voyait l'autre; ils s'aimaient tant et ils étaient si gentils! surtout quand je les portais tous les deux dans mes bras, et que la comtesse d'Avenel me criait: Dame Marguerite, prenez[140] garde! Jourde Dieu, si je prenais garde! le fils de mes maîtres, mon pauvre petit Julien! Eh bien! voilà que malgré moi j'y reviens encore! Il en est de ça comme du vieux clocher d'Avenel, au milieu du parc; de quelque côté qu'on se promène, on ce rencontre toujours! S'approchant de la croisée qui est entr'ouverte. Fermons tout dans cet appartement. Ah! mon Dieu, j'ai aperçu une lumière dans ces ruines inhabitées. Oui, j'ai cru distinguer ... Ah! Refermant vivement la fenêtre. serait-ce la dame blanche, la protectrice de ce château? et sa présence m'annonce-t-elle le retour ou la mort de Julien?


Quelle:
Boieldieu, François-Adrien: La dame blanche, in: Eugène Scribe: Théatre de Eugène Scribe de l'Académie Française, V,1: Opéras-comiques, Paris 1856, S. 140-141.
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