Scene IX.

[158] Georges, Gaveston, Dikson, Marguerite, Jenny;

Chœur de fermiers et de Vassaux.


CHŒUR.

Nous quittons nos travaux champêtres;

Nous accourons en ce castel

Savoir quels sont les nouveaux maîtres

Du beau domaine d'Avenel.

MARGUERITE.

Hélas! quelle douleur j'éprouve!

Voici donc le moment fatal.

JENNY, apercevant Georges.

C'est vous, Monsieur, je vous retrouve!

Hé bien! ce mystère infernal?

DIKSON.

Qu'avez-vous vu? parlez, de grâce!

GEORGES.

Vous le saurez. Mais, en honneur,

J'ai bien fait de prendre sa place,

Car il en serait mort de peur!

DIKSON.

Vois-tu, ma femme, quelle horreur!

JENNY.

Mais taisons-nous, faisons silence,

Car voici monsieur Mac-Irton,

Le juge de paix du canton.


Entrent Mac-Irton et tous les gens de justice. Ils vont se placer sur des sièges préparés autour d'une table au milieu du théâtre. Gaveston se tient debout à gauche, non loin de lui. A droite, sur le premier plan, Georges assis sur un fauteuil; Dikson environné de tous les fermiers.


LES FERMIERS, à Dikson.

Tu vas biente montrer, je pense.

D'AUTRES FERMIERS.

Tu connais quels sont tes devoirs.

DIKSON.

Ne craignez rien, j'ai vos pouvoirs

J' sais jusqu'à quelle concurrence

Il nous est permis d'enchérir.

MAC-IRTON.

Messieurs, la séance commence.

GEORGES.

Comment cela va-t-il finir?[158]

CHŒUR.

De crainte et d'espérance

Je sens battre mon cœur;

Du combat qui commence

Quel sera le vainqueur?

MAC-IRTON, se levant et lisant un parchemin.

De par le roi, les lois et la cour souveraine,

Faisons savoir qu'on va procéder sur-le-champ

A la vente de ce domaine;

A l'enchère publique ainsi qu'au plus offrant

Et dernier enchérisseur.

MARGUERITE.

Hélas! j'en suis toute tremblante.

MAC-IRTON.

Nous avons un acquéreur

A vingt mille écus!

DIKSON.

Moi, j'en mets ving-cinq!

GAVESTON.

Moi, trente!

DIKSON.

Trente-cinq!

GAVESTON.

Quarante!

DIKSON.

Quarante-cinq!

GAVESTON.

Cinquante!

DIKSON.

Cinquante-cinq!

GAVESTON.

Soixante!

Ils ont l'air interdits.

LES FERMIERS, à Dikson.

Allons! allons! encor! courage!

DIKSON.

Voulez-vous risquer davantage?

Soixante-cinq!

GAVESTON.

Soixante-dix!

DIKSON.

Quatre-vingt-cinq!

GAVESTON.

Quatre-vingt-dix![159]

Ils ont beau faire,

Je l'aurai;

Oui, je serai propriétaire,

C'est moi qui l'emporterai.

DIKSON.

Je commence à perdre courage.

LES FERMIERS.

Allons, encor quelque chose de plus.

DIKSON.

Eh bien! quatre-vingt-quinze!

GAVESTON.

Et moi, cent mille écus!

LES FERMIERS.

O ciel! nous ne pouvons enchérir davantage!

MARGUERITE.

C'en est fait, nous sommes perdus!

MAC-IRTON, lentement à l'assembiée.

Cent mille ècus! cent mille écus!

GEORGES.

Je tremble.

GAVESTON, s'approchant de lui.

Eh bien! mon jeune ami, parlez; que vous ensemble?

Malgré la dame blanche et son nom révéré,

Je l'avais dit; c'est moi, moi qui l'emporterai.

GEORGES, à part.

Il a raison, et je crains fort

Que la dame blanche n'ait tort.

MARGUERITE ET LE CHŒUR DES VASSAUX.

Non, plus d'espoir!

DIKSON ET LES FERMIERS.

Plus de courage!

DIKSON.

La bougie est près de finir.

GAVESTON.

Le château va m'appartenir.

GEORGES.

Morbleu! j'enrage, j'enrage!

Qui donc pourrait surenchérir?


Pendant ce temps Anna, qui a repris le même costume qu'à la seconde scène de cet acte, est sortie de sa chambre à droite, et s'est approchée doucement derrière Georges; elle se tient près de

lui, et lui dit à demi voix.


ANNA.

Toi![160]

GEORGES, se retournant et l'apercevant.

Que vois-je! ô surprise extrême!

C'est elle! c'est celle que j'aime!

ANNA, de même.

Du silence! tu sais qui m'envoie! obéis.

GEORGES.

Quoi! vous voulez ...

ANNA.

Tu l'as promis!

MAC-IRTON, répétant.

Cent mille écus! cent mille écus!

GEORGES, se levant et passant au milieu du théâtre.

Arrêtez! moi, je mets mille livres de plus.

TOUS.

O ciel!


Ensemble.


GAVESTON.

O ciel! quel est ce mystère

Et ce nouvel acquéreur?

Dans ces lieux que veut-il faire?

Rien n'égale ma fureur.

GEORGES.

A ce singulier mystère,

Je ne conçois rien, d'honneur!


Regardant Anna.


Je vois celle qui m'est chère,

Cela suffit à mon cœur.

ANNA, bas à Georges.

Sache obéir et te taire,

Tu l'as promis sur l'honneur;

C'est le moyen do me plaire

Et de mériter mon cœur.

MARGUERITE ET LE CHŒUR.

Mais quel est donc ce mystère

Et ce nouvel acquéreur?

Que le sort lui soit prospère!

C'est le vœu de notre cœur.

GAVESTON, regardant Georges.

Quel qu'il soit, je rendrai cette ruse inutile.

Puisqu'il le faut, quinze cents francs!

GEORGES.

Deux mille![161]

GAVESTON.

Trois!

GEORGES.

Quatre!

GAVESTON.

Cinq!

GEORGES.

Six!

GAVESTON.

Sept!

GEORGES.

Huit!

GAVESTON.

Neuf!

GEORGES.

Dix!

GAVESTON.

Je ne puis contenir ma rage!

Je mets vingt-cinq.

ANNA, bas à Georges.

Va toujours, du courage!

GEORGES.

Trente!

GAVESTON.

Quarante!

ANNA, bas, à Georges.

Encor! encor!

GEORGES.

Cinquante!

GAVESTON.

Soixante.

ANNA, bas, à Georges.

Encor!

GEORGES.

Quatre-vingts!

GAVESTON.

Quatre-vingt-dix!

GEORGES.

Quatre cent mille francs!

ANNA, bas à Georges.

C'est bien, je suis contente.

Va toujours; va toujours.[162]

GAVESTON.

De fureur je frémis!

Eh bien! quatre-cent cinquante.

GEORGES, allant surenchérir.

Eh bien! moi, s'il le faut ...

GAVESTON, allant à lui.

Arrêtez! laissez-moi

Sur un pareil projet éclairer son jeune âge;

Il ignore ce qu'il engage.


A Mac-Irton.


Monsieur, lisez-lui la loi.

MAC-IRTON, lisant.

»Le jour même, à midi, le prix de cette vente

Sera payé comptant en nos mains, ou sinon,

Et faute de fournir caution suffisante,

Le susdit acquéreur sera mis en prison.«

GEORGES.

En prison!

ANNA, bas à Georges.

Il n'importe.

GEORGES, à part.

Alors des qu'on ordonne,


Haut.


A cinq cent mille francs!

MAC-IRTON.

Personne

Ne dit mot?

MARGUERITE.

Quel bonheur!

GEORGES, bas à Gaveston.

Convenez sans façon

Que la dame blanche a raison.

GAVESTON, avec dépit.

Il le faut, j'abandonne.

MAC-IRTON, à Georges.

Votre nom, votre rang?

GEORGES.

Georges Brown, sous-lieutenant;

Douze cents francs

D'appointements;

Et l'on ne dira pas que je fais des folies,

Car j'achète un château sur mes économies.[163]

MAC-IRTON, bas à Gaveston.

Vous le voyez, j'y suis bien obligé.


A haute voix.


Puisqu'il le faut donc,


Montrant Georges.


Adjugé.


Ensemble.


DIKSON, MARGUERITE ET FERMIERS.

Ah! pour nous quel jour prospère!

Ce choix fait notre bonheur;

Car nous aurons, je l'espère,

Un brave et digne seigneur.

GEORGES, à Anna.

A ce singulier mystère,

Je ne conçois rien d'honneur!

Je vois celle qui m'est chère,

Cela suffit à mon cœur.

MAC-IRTON ET GAVESTON.

Mais quel est donc ce mystère?

Qu'il redoute ma fureur!

Rien n'égale la colère

Qui s'empare de mon cœur.

ANNA.

Dieu puissant, Dieu tutélaire,

Puissé-je, au gré de mon cœur,

D'un maître que je révère

Sauver les biens et l'honneur!

Quelle:
Boieldieu, François-Adrien: La dame blanche, in: Eugène Scribe: Théatre de Eugène Scribe de l'Académie Française, V,1: Opéras-comiques, Paris 1856, S. 158-164.
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