Scène V.

[127] Les précédents; Jenny.

Morceau d'Ensemble.


DIKSON.

Mais que veut notre ménagère?

JENNY.

Ah! Monsieur, je ne sais comment vous faire part ...

DIKSON.

Qu'est-ce donc?

JENNY.

Le baptême, hélas! ne peut se faire

Que ce soir et très-tard;

Et Monsieur, qu'on attend sans doute,

Veut partir promptement?

GEORGES.

Je ne vais nulle part:

Rien ne me presse, et je m'arrête eu route

Où je vois des amis.[127]

JENNY.

Dans nos humbles foyers

Vous resterez donc?

GEORGES.

Volontiers.

JENNY.

Jusqu'à demain?

GEORGES.

Volontiers.

DIKSON.

Et vous souperez?

GEORGES.

Volontiers,

Volontiers, mes bons amis.

JENNY.

Ah! c'est charmant; il est toujours de notre avis.

DIKSON.

Allons! femme, fais-nous servir.

GEORGES.

Les braves gens!

DIKSON.

Touchez-là; quel plaisir!

Il faut rire, il faut boire

A l'hospitalité!

GEORGES.

A l'amour, à la gloire,

Ainsi qu'à la beauté!


Pendant ce chœur, plusieurs convives sont entrés, et l'on a apporté la table.


DIKSON.

Ici, monsieur le militaire,

A la place d'honneur.

GEORGES.

Près de ma gentille commère,

Ah! pour moi quel bonheur!


Ensemble.


Il faut rire, il faut boire

A l'hospitalité, etc.


Ils sont tous assis et mangent.


GEORGES, assis. Dites-moi, mon cher hôte, pour un voyageur, qu'y a-t-il de curieux à voir dans le pays?[128]

DIKSON. Il y a d'abord le château d'Avenel; un édifice magnifique! dont on voit d'ici le clocher.

JENNY. Le nouveau château est fermé, et l'on ne peut pas y entrer; mais il y a l'ancien, dont les ruines et les souterrains sont superbes: aussi, tous les peintres vont le visiter!

GEORGES. Nous irons demain, n'est-il pas vrai? vous m'y conduirez.

DIKSON. Vous venez dans un mauvais moment. Ordinairement le château n'est habité que par une vieille concierge attachée aux anciens propriétaires; mais hier l'intendant Gaveston y est arrivé, et l'on dit qu'il ne repartira qu'après la vente.

GEORGES. Que dites-vous? on vend cette belle propriété?

DIKSON. Oui, sans doute! elle appartenait aux anciens comtes d'Avenel, des braves gens que tout le monde chérit encore dans le pays; mais ils étaient du parti des Stuarts, et après la bataille de Culloden, le comte d'Avenel, qui avait été proscrit, s'est réfugié avec une partie de sa famille en France, où l'on prétend qu'il est mort.

JENNY. Or, pendant ce temps, ce M. Gaveston a embrouillé les affaires du comte, dont il était l'intendant, si bien que pour payer les créanciers on va vendre ce beau domaine.

DIKSON. Bien plus, on dit que Gaveston, qui s'est enrichi, veut lui-même se rendre acquéreur du château, et, par ainsi, devenir comte d'Avenel ... Je vous le demande ... un coquin d'intendant qui se trouverait être notre seigneur ... Non, morbleu, nous ne le souffrirons pas ...

JENNY. Sois tranquille, il lui arrivera malheur; car hier au soir, Gabriel, notre garçon de ferme, a vu la dame blanche d'Avenel qui se promenait sur les créneaux et sur les ruines.

DIKSON. An! mon Dieu! en es-tu bien sûre?[129]

JENNY. Il l'a vue comme je te vois.

GEORGES. La dame blanche d'Avenel! qu'est-ce que c'est? je serais enchanté de faire sa connaissance!

DIKSON. Y pensez-vous?

GEORGES. Pourquoi pas? si c'est une jolie femme!

DIKSON. Depuis trois ou quatre cents ans c'est la protectrice de la maison d'Avenel!

JENNY. Quand il doit arriver à cette famille quelque événement heureux ou malheureux, on est sûr qu'elle apparaîtra. On la voit errer sur le haut des tourelles, en longs vêtements blancs, et tenant à la main une harpe qui rend des sons célestes; et puis, comme dit la ballade ...

GEORGES. Ah! il y a une ballade?

DIKSON. Et une fameuse! qu'on chante dans le pays, mais quand on est plusieurs réunis, parce que sans cela ça fait trop peur! ... Ma femme la sait.

GEORGES. Eh bien! Jenny, chantez-nous-là. Il me semble que nous pouvons l'entendre; Montrant tous les convives. nous sommes en force.


Couplets.


JENNY.


Premier Couplet.


D'ici voyez ce beau domaine,

Dont les créneaux touchent le ciel!

Une invisible châtelaine

Veille en tous temps sur ce castel.

Chevalier félon et méchant

Qui tramez complot malfaisant,

Prenez garde!

La dame blanche vous regarde,

La dame blanche vous entend.


[130] Deuxième Couplet.


Sous ces voùtes, sous ces tourelles,

Pour éviter les feux du jour,

Parfois gentilles pastourelles

Redisent doux propos d'amour.

Vous qui parlez si tendrement,

Jeune fillette, jeune amant,

Prenez garde!

La dame blanche vous regarde,

La dame blanche vous entend.


Troisième Couplet.


En tous lieux protégeant les belles,

Et de son sexe ayant pitié,


Regardant Dikson.


Quand les maris sont infidèles,

Elle en avertit leur moitié.

Volage époux, cœur inconstant,

Qui trahissez votre serment,

Prenez garde!

La dame blanche vous regarde,

La dame blanche vous entend.

GEORGES.

Grand merci, ma belle enfant

Votre conte est charmant.

TOUS, effrayés.

Un conte!

JENNY.

La dame blanche vous regarde!

Elle vous entend!


Gabriel tire Dikson par son habit.


DIKSON, effrayé. Hein! qu'est-ce que c'est? c'est Gabriel, mon valet de ferme.

GABRIEL. Monsieur, les principaux fermiers des environs sont là dans la salle à côté.

JENNY. Va vite, car c'est pour la vente de demain!

GEORGES. La vente du château d'Avenel?

JENNY. Oui, Monsieur, tous les fermiers, tous les notables du pays se réunissent pour surenchérir.[131]

GEORGES. Et quel est leur but en faisant pour leur compte une pareille acquisition?

JENNY. D'empêcher que ce domaine ne passe dans les mains de Gaveston; de le conserver à la famille d'Avenel dont chacun ici chérit le souvenir; et si jamais quelqu'un de leurs descendants revient dans le pays, on lui dira: Voilà votre bien, voilà vos terres; nous les avons gardées et cultivées pour votre compte, reprenez-les!

GEORGES. Il se pourrait! ... un pareil dévouement ... Eh bien! sans les connaître, j'estime les comtes d'Avenel, car ceux qui se font aimer ainsi doivent être de braves gens.

DIKSON, aux montagnards. Allez, mes amis, allez délibérer avec eux; je vous rejoins dans l'instant. Ils sortent tous par la porte à gauche.


Quelle:
Boieldieu, François-Adrien: La dame blanche, in: Eugène Scribe: Théatre de Eugène Scribe de l'Académie Française, V,1: Opéras-comiques, Paris 1856, S. 127-132.
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